L’église Saint-Yves

LES ORIGINES DE L’ÉGLISE

« chapelle Saint-Yves en La Roche-Maurice »

C’est en ces termes que la première mention écrite de l’église apparaît au XIVe siècle dans le testament d’Hervé VIII de Léon. Cet édifice voue un culte à saint Yves, prêtre breton et official de Tréguier. Se plaçant en défenseur des démunis et partageant ses ressources avec les nécessiteux. Il devient le saint patron des avocats et des hommes de loi mais aussi celui de la Bretagne au XIVe siècle.

Statue de saint Yves, choeur de l'église Saint-Yves, La Roche-Maurice - Crédits : Hervé LE BRAS.

Testament d’Hervé VIII, vicomte de Léon du 21 août 1363 (dispositions concernant La Roche Maurice)


Dans Dom Morice “Preuves” Tome I Col : 56 et suivantes

“Item fun- do et creo duas perpétuas Capellanias in Capella Beati Yvonis apud Rocham Morvani”.

“Je fonde et crée deux chapellenies perpétuelles dans la chapelle du bienheureux Yves auprès de la Roche-Morvan, avec chacune un chapelain.
Pour la première désignation, je réuni lle double bénéfice au profit de l’estimé et discret messire Hamon, prêtre de Taulé, et moi- même et me
s héritiers nous nous réservons le droit de patronage pour les deux futurs chapelains chaque fois que l’un ou l’autre viendra à quitter ses fonctions de son vivant ou par sa mort ;
Et j’ai distingué la collation ou l’installation effective (des chapelains) qui appartient le moment voulu à Monseigneur l’Évêque de Léon.
Je donne, concède et veux léguer formellement, pour l’entretien de ces deux chapellenies et les deus chapelains cent livres de rentes, à savoir cinquante livres pour chacune d’entre elles et d’entre eux, à charge pour ces deux chapelains de célébrer une messe quotidienne à perpétuité́ pour mon salut et l’âme de mes ancêtres, rentes à percevoir dans les paroisses de Sizun, du Tréhou et de Ploudiry.”

Le testament d’Hervé VIII de Léon

Hervé VIII de Léon décéda en 1363 à l’âge de 22 ans. Dans son testament, il eut soin de fonder deux chapellenies (offices divins) dans la chapelle dédiée à Saint Yves située près du château. Cet oratoire qui s’élevait hors de l’enceinte de la forteresse trop exiguë a été remplacée par l’église actuelle au XVIème siècle.

 

Une petite histoire de cinq siècles

Depuis le XIVe siècle, la chapelle a été maintes fois agrandie, en attestent les nombreuses dates visibles en son sein, permettant de retracer les différentes campagnes de construction et de restauration. La plus ancienne est 1539, inscrite sur la maîtresse-vitre du chœur et la plus contemporaine est 2017, gravée sur une sablière du collatéral nord.
Phases de construction de l’église entre 1520 et 1881 - Odeline CHERON.
Portail sud, église Saint-Yves, La Roche-Maurice - Odeline CHERON.

une Architecture à l'image du territoire

Malgré les adjonctions architecturales, l’église conserve une cohérence esthétique témoignant du style en vigueur dans le Léon au XVIe siècle, mêlant gothique et renaissant. Ainsi, les arcs brisés côtoient un décor de choux frisés et de pinacles à fleurons. L’édifice comporte également un «clocher Léonard» caractéristique du territoire et directement inspiré de la cathédrale de Saint-Pol-de-Léon.

Chapelle ou église ?
Trève ou paroisse ?

Jusqu’au XVIIe siècle la chapelle castrale est considérée en tant que chapelle tréviale, où il est possible pour les villageois d’assister à une messe, toutefois, les sacrements n’y sont pas donnés. À la Révolution, la trève prend son indépendance et l’église Saint-Yves devient l’église paroissiale de la commune de La Roche-Maurice. L’importance historique et architecturale de cet ensemble est tel que l’église et l’ossuaire sont classés au titre des Monuments Historiques en 1916.

Schéma du village de La Roche-Maurice au XVe siècle sur le cadastre ancien de 1811, section A, feuille 1ere, AD 29, cote 3 P 239/1/2.

Une église riche en architecture

 

Splendeur monumentale de l’enclos paroissial

L’enclos paroissial, vous en avez sûrement déjà entendu parler… C’est un espace dans lequel sont situés l’église Saint-Yves, l’ossuaire et l’ancien cimetière qui y était attenant. L’accès aux édifices se fait par un échalier surmonté d’un calvaire présentant la crucifixion du Christ. Les enclos paroissiaux de la Vallée de l’Élorn sont d’une splendeur rarement égalée en Bretagne car ils ont tous été édifiés grâce à la prospérité de la culture et de l’industrie toilière du XVIe siècle. Ainsi, dans un climat autant riche que pieux, les paysans marchands de toile participent activement aux financements des travaux de leurs paroisses.

 

 

 

Entrée à échalier, église Saint-Yves – Crédits : Odeline CHERON.

 

Mais qui gère tous ces financements ?

Ce sont les membres du conseil de fabrique, composé de laïcs et de religieux, qui sont chargés de gérer les biens et les travaux de l’église. Ces hommes sont nommés de diverses manières : fabriciens, trésoriers ou miseurs. À La Roche-Maurice le vocable de ‘gouverneur’ est employé. Leurs noms apparaissent parfois sur des inscriptions dans l’église.

 

 

 

 

 

Charpente, église Saint-Yves – Crédits : Odeline CHERON.

Le saviez-vous ?

L’ossuaire est un édifice permettant de veiller les morts à la suite de la cérémonie des obsèques. Il assure également la fonction de reposoir, accueillant ainsi des ossements lorsque certaines sépultures de l’église ou du cimetière sont vidées, les os y sont alors entreposés. Ce lieu de culte est aussi connu en tant que « chapelle Saint-Anne ». Quelques éléments architecturaux soulignent cette double fonction avec la présence d’un autel et d’un bénitier.

 

 

 

 

 


Ossuaire, église Saint-Yves – Crédits : Odeline CHERON.

 

Souviens-toi, homme, que tu n’es que poussière.

À La Roche-Maurice les dates 1639 et 1640 sont agrémentés d’inscriptions mettant en évidence les préoccupations esthétiques et philosophiques de ce siècle, enclin à la vanité et à rappeler la vacuité de la vie. Son imposante taille et sa richesse de décor rappellent l’aspect des ossuaires de la vallée de l’Élorn. Ces édifices sont caractérisés par une unique façade ornée de formes renaissantes au détriment des autres murs plus sobres. Cette récurrence implique que les mêmes artisans connus sous le nom « d’atelier de l’Elorn », les ont façonnés.

 

 

 

 

Porte sud, ossuaire – Crédits : Odeline CHERON.

 

L’Ankou vous souhaite la bienvenue…

Les sculptures et détails foisonnants sont permis grâce à l’emploi de pierre de Logonna. Les pièces les plus remarquables sont les portraits de personnages révélant Saint-Yves entre le riche et le pauvre, une tête de mort, une coquette, un homme de loi et un paysan avec sa bêche. Ce dernier peut également faire référence à un fossoyeur, puisque la thématique de la mort sur un ossuaire n’est jamais loin. En effet, au-dessus d’eux l’Ankou tenant sa flèche les menace « Je vous tue tous ».

 

 

 

 

 

Bénitier, ossuaire – Crédits : Odeline CHERON.

Un jubé du XVIe siècle, résistant aux réformes

Les jubés bretons sont précieux car ce sont les rares témoins existant d’un usage liturgique révolu où le chœur était réservé au clergé qui officiait dos aux fidèles. Ils tirent leur nom des paroles proclamées par le diacre placé sur leur sommet « Jube, Domne, benedicere… ». Celui de Saint-Yves est surmonté d’une poutre de gloire mettant en scène la crucifixion du Christ avec la Vierge Marie et Saint-Jean à son pied. Cet aménagement est remplacé par les chaires à prêcher à la suite du concile de Trente, 1545-1563, afin de réformer le culte catholique après les critiques émises par les protestants. Les jubés sont alors démontés, sauf dans certaines paroisses.

 

 

 

 

Jubé, église Saint-Yves – Crédits : Odeline CHERON.

 

Que regarder ?

Décors foisonnant, exubérant et surtout exotique ! Ce mobilier a pour objectif principal de susciter la contemplation et la réflexion du fidèle. De part et d’autre, une galerie de saints ou d’apôtres gravés avec leurs attributs, invitent à l’écoute des saintes paroles. Côté nef, sont mis en scène neuf apôtres et trois papes reconnaissables par leur couvre-chef. Au revers, la galerie est constituée de douze saints. Ces personnages se placent dans un décor polychrome fantastique, prenant source dans l’effervescence artistique et culturelle du nœud commercial que représente la Bretagne au XVIIe siècle.

 

 

 

Détails nord, jubé, église Saint-Yves – Crédits : Odeline CHERON.

L’une des maîtresse-vitre les plus grandes de Bretagne.

Par ses dimensions de 6,90 x 3,50 mètres, le vitrail du chœur de l’église Saint-Yves est l’un des plus grands de Bretagne. Une inscription en lettre gothique vient renseigner sur la date de sa mise en place, 1539, au côté du nom du commanditaire, le gouverneur de La fabrique Allen Joce. Les initiales « L.S » désignent probablement le maître-verrier quimpérois Laurent Le Sodec. Aujourd’hui, il est difficile de reconnaître les parties originelles des retouches car le vitrail a été démonté et restauré à de nombreuses reprises.

 

 

 

 

Vitrail du choeur, église Saint-Yves – Crédits : Odeline CHERON.

 

Une Passion bien européenne

La partie basse du vitrail retrace la Passion du Christ, de son entrée à Jérusalem jusqu’à sa résurrection. L’expressivité des visages et le soin apporté aux cheveux de chaque personnage puisent leur source dans la renaissance flamande. Quant à la mise en scène, elle est librement inspirée de gravures allemandes et notamment « La Cène » du vitrail s’apparentant à celle d’Albrecht Dürer. Jésus y enserre Jean sous son bras, pendant que les apôtres se retrouvent autour d’une table ronde.

 

 

 

 


La Cène, vitrail du choeur, église Saint-Yves – Crédits : Odeline CHERON.

 

Autant de blasons que d’alliances…

La partie haute se compose de quatorze soufflets où figurent le blason des Rohan de « gueule à neuf macles d’or » ainsi que les armoiries de leurs alliances matrimoniales. La présence d’anges dans les écoinçons inférieurs, suppose que certains soufflets étaient à l’origine destinés à la représentation d’anges en lien avec la crucifixion. C’est sûrement lors de la restauration de 1849 que la modification s’est opérée.

 

 

 

 

 

Blason de la famille de Rohan – Odeline CHERON.


La charpente, quelques infos pour briller en société…

L’église Saint-Yves est couverte d’une charpente lambrissée en berceau brisé, avec de nombreux détails sculptés sur les poinçons pendants, les engoulants, les sablières et les blochets. Deux inscriptions présentes sur les sablières indiquent que c’est sous la gestion du gouverneur de fabrique Jacques Le Born, entre 1559 et 1561 que fut érigée la charpente. Un diagnostic des bois réalisé en 2010 a permis de préciser que deux périodes de construction se sont succédé, l’une autour de 1520 avec des bois de grande qualité, l’autre en 1560 avec une confection à l’économie témoignant alors d’une pénurie de bois.

Axonométrie de la charpente, église Saint-Yves – Odeline CHERON. 

 

 

 


La sablière sculptée, un livre d’images taillées dans le bois

La sablière sculptée a connu une exceptionnelle production quantitative en Basse Bretagne. Celles de l’église Saint-Yves reprennent un style caractéristique du XVe siècle avec des motifs récurrents ainsi que la figure de l’homme fou, poilu et barbu. Les thématiques s’articulent autour de la religion, de la vie quotidienne ou encore de proverbes. Fait intéressant ! Les scènes d’enterrement sont peu représentées et seules les églises de La Roche-Maurice, de Pencran et de La Martyre en possèdent une.

Sablières du collatéral sud, église Saint-Yves – Crédits : Odeline CHERON.

 

 

 

 

 

Méfiez-vous des monstres, l’enfer n’est jamais très loin…

Les extrémités des entraits sont ornées de créatures monstrueuses peintes de vert ou de rouge, appelées engoulants. Ce motif apparu au IXe siècle se diffuse à l’époque romane. Il figure alors la « Gueule de l’Enfer » entrée à travers laquelle les damnés sont engloutis. Toutefois, placés en hauteur, ils sont proches des cieux et donc de Dieu, ce qui leur confère une fonction positive.  Leur gueule menaçante chasse symboliquement les mauvais esprits, préservant ainsi l’espace sacré.

Engoulants, église Saint-Yves – Crédits : Hervé LE BRAS.

 

 

 

 

Ciel étoilé qui brille de mille symboles

Alors que la charpente des collatéraux est peinte d’un simple ciel étoilé, la nef possède un foisonnement iconographique et symbolique. Les anges s’entremêlent aux monogrammes couronnés du Christ et de la Vierge sur fonds d’étoiles, de macles et de fleurs de lys. La charpente principale est homogène puisqu’elle conserve les mêmes motifs de la nef au chœur. Seul un fonds plus clair a été utilisé au niveau du transept pour symboliser l’espace sacré de l’édifice.


Charpente, église Saint-Yves – Crédits : Odeline CHERON.

Des restaurations conséquentes

Église lors des restaurations, échafaudage du bas-côté sud - Crédits : Hervé LE BRAS.

Les restaurations antérieures au XIXe siècle ne sont guère documentées, les seules campagnes de travaux connues sont celles où la date a été gravée. À partir des années 1980, des travaux conséquents de consolidation et restauration de l’église et du clocher ont été entrepris par la commune sous l’égide de la DRAC et avec l’intervention des architectes de monuments historiques. La dernière tranche conséquente portant sur la charpente de l’église a été réalisée de 2014 à 2017.

S’élevant à 1250000€, cette tranche de travaux a bénéficié du financement des institutions publiques (Commune, État, Région et Département ) mais aussi d’une souscription populaire lancée à l’initiative de la mairie.  La mobilisation de la Fondation du patrimoine ainsi que de l’association locale « Château et patrimoine rochois » a permis de recueillir plus de 50000€ au travers de différentes animations culturelles et festives .

Chorale - Crédits : Hervé LE BRAS.

Pour plus d’informations sur l’église Saint-Yves, nous vous recommandons la lecture de ce livre de Jean-Yves Choquer et Hervé Le Bras de l’association Château et Patrimoine Rochois ; il est disponible à l’Office de tourisme, place général De Gaulle, à Landerneau.

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