Une histoire millénaire

Dix siècles de la naissance à la renaissance

Situé dans le Finistère sur un pic rocheux dominant la vallée de l’Elorn, le château de La Roche Maurice  ( ar Roc’h Morvan )  fut édifié sur un lieu stratégique à la frontière entre Léon au Nord et Cornouaille au Sud.

Un château-frontière gardien de la Cornouaille

Les premières mentions historiques du château datent du XIIIe siècle (1263) mais les datations au carbone 14 indiquent que la forteresse a été érigée vers l’an Mil. À cette époque, il appartient à la catégorie des roc’h caractérisée par l’érection d’un ensemble fortifié sur une éminence naturelle. Il existe d’autres exemples de roc’h en Bretagne comme La Roche-Bernard et La Roche-Moisan en Arzano.

Avant le XIVe siècle, le château porte le nom de Roc’h Morvan en référence à son fondateur, le vicomte Morvan, adjoint du comte de Cornouaille, Alain Canhiart.
Le contexte géopolitique de l’époque fait du  château de La Roche-Maurice un château-frontière destiné à empêcher l’expansion léonarde. En effet, au XIe siècle les troupes du vicomte de Léon Guyomarc’h envahissent le comté de Cornouaille. Il est attesté que le vicomte Morvan s’est opposé à cette percée, faisant du Roc’h Morvan un château-frontière à proximité de l’Élorn qui peut être qualifié de véritable « verrou ».

Photo du château de La Roche-Maurice - Crédits : Odeline CHERON.
Évocation du château de La Roche-Maurice au XIVe siècle, vue sud-ouest Crédits : Lionel DUIGOU. Cette version est une esquisse qui ne présente pas les mêmes volumes que la version définitive validée par Jocelyn Martineau (INRAP).

La résidence des Hervé de Léon

Après la guerre féodale entre cornouaillais et léonards de 1163 et de la prise du château par les vicomtes de Léon, en 1180, à l’issue des révoltes de Guyomarc’h IV de Léon, Geoffroy Plantagenêt, duc de Bretagne, démantèle la vicomté de Léon. Hervé Ier, fils cadet de Guyomarc’h IV, se voit attribuer les territoires autour de la vallée de l’Élorn notamment les châteaux de La Roche-Maurice et de Daoulas. Le territoire de Ploudiry avec le château de La Roche-Maurice sont rattachés au diocèse de Léon : La Roche-Maurice devient la résidence d’Hervé Ier de Léon. Ses successeurs, portant tous le même patronyme, y séjournent durant deux siècles jusqu’à la mort d’Hervé VIII en 1363. Cette période est marquée par divers évènements politiques où le château de La Roche-Maurice joue un rôle déterminant.

En 1241, Hervé III comme précédemment son cousin le vicomte Guyomarc’h VI de Léon, se révolte contre le duc de Bretagne Jean Ier Le Roux : il incendie le château ducal de Quimperlé. Hervé III trouve la mort et le château de La Roche-Maurice est mentionné pour la première fois dans un accord de 1263. Ce dernier relate des événements qui se seraient déroulés à La Roche-Maurice en 1239 lors desquels le château est pillé et placé sous la garde de Jean Ier Le Roux durant la minorité d’Hervé IV de Léon. C’est un des signes du renforcement ducal à l’encontre des seigneurs de Léon.
En 1260, Hervé IV conclut une paix avec le duc et, grâce aux revenus de son épouse et de la seigneurie, il entreprend la rénovation de ses châteaux dont ceux de Roc’h Morvan à La Roche-Maurice et de Joyeuse Garde à la Forest-Landerneau.

Entre 1260 et 1363, la lignée des seigneurs de Léon prospère et atteint son apogée. Hervé V est même convoqué plusieurs fois par le roi de France pour participer aux guerres de Flandre entre 1299 et 1303.

La situation se dégrade à l’occasion de la guerre de Succession de Bretagne (1341-1364). À la mort du duc Jean III de Bretagne en 1341, deux prétendants se disputent sa succession, Jean de Montfort et Charles de Blois, époux de Jeanne de Penthièvre. Ce conflit s’inscrit dans le cadre de la guerre de Cent ans qui oppose l’Angleterre et la France. Jean de Montfort fait l’hommage au roi d’Angleterre Edouard III. À l’inverse, Charles de Blois prête allégeance au roi de France Philippe VI.

Hervé VII, partisan de Charles de Blois, est capturé en 1342 par les troupes anglo-montfortistes. Ses terres sont dévastées durant l’été 1342 par les troupes anglaises qui ont débarqué à Brest, le château de La Roche-Maurice est probablement détruit. Le fils d’Hervé VII, Hervé VIII meurt en 1363 sans héritier, le lignage des seigneurs de Léon disparaît.

L’arrivée des vicomtes de Rohan

Jeanne de Léon hérite de son frère Hervé VIII de Léon. Mariée en 1349 à Jean Ier, vicomte de Rohan, elle transmet la seigneurie de Léon aux Rohan notamment le château de La Roche-Maurice. Les fils des vicomtes de Rohan portent dès lors le titre de « seigneur de Léon » en attendant de  succéder à leur père.

 

Après la guerre de Succession de Bretagne, le château de La Roche-Maurice est restauré, il est agrandi avec l’édification de deux grands logis dans la seconde moitié du XIVe siècle. Il accueille le fils aîné du vicomte, ce qui indique que le château conserve une fonction résidentielle. Il garde un intérêt stratégique puisqu’il sert de base arrière, il retient la garnison anglaise établie à Brest depuis 1342. Cette dernière est assiégée en 1373, 1378, 1386 et 1387, opérations militaires auxquelles prennent part Jean de Rohan ainsi que son fils Alain.

 

Alain de Rohan est chargé de l’administration de la seigneurie de Léon jusqu’à la mort de son père en 1396. Il désigne notamment le capitaine en charge de la forteresse de La Roche-Maurice. En 1420, il finance également la restauration de ses châteaux de La Roche-Maurice, de Josselin, de Rohan, de La Chèze et de Blain grâce au duc qui l’autorise à prélever des impôts sur la population.

 

En 1421, un accord concernant l’octroi des droits de ports et de havres à Landerneau est promulgué, il s’agit d’une taxe. Alain de Rohan accepte que cette dernière soit perçue par les officiers ducaux tant que la moitié du produit de cette taxe est consacrée à la réparation du château de La Roche-Maurice. Plusieurs accords du même type sont reconduits durant le XVe siècle, permettant par exemple la reconstruction des logis vers 1450-1460.

 

La forteresse de La Roche-Maurice devient le seul château entretenu dans la seigneurie du Léon, soulignant ainsi son importance politique et symbolique, au détriment des châteaux de Landivisiau et de Daoulas qui sont en ruines.

Plan des structures du XVe siècle, DAO Bertrand GRALL, Conseil départemental du Finistère-CDA, 2021.

Cette fonction symbolique sert le lignage des Rohan et son prestige en particulier aux États de Bretagne en 1479 lorsqu’ils sont opposés aux barons de Laval comme en témoigne la citation suivante de Jean II de Rohan : « de tout temps ladicte seigneurie a esté emparée d’un très-bon, fort et grand autre chasteau fort et puissant de deffense autant ou plus que chasteau de Bretagne, nommé la Rochemaurice qui grandement a servy et peut servir quand le cas adviendra à la tuition et garde des bien subjets de tout le païs. Auquel chasteau y a eu de tout temps et a capitaine, lieutenant et garde quotidiennement laquelle capitainerie vault communs ans audit capitaine de trois à quatre cents livres et mesme n’est le guet en icelle seigneurie levé qu’en la dixième partie d’icelle seigneurie.»

Le vicomte Jean II de Rohan (1452-1516) convoite le duché de Bretagne pour son fils aîné qu’il souhaite marier à Anne de Bretagne, héritière du dit duché. Il ne cesse de louvoyer entre le duc de Bretagne François II et le roi de France Louis XI à ce propos. Pour le punir, le duc lui confisque ses châteaux en 1472, 1479 et 1485, notamment celui de La Roche-Maurice.

Jean II commande une des troupes françaises en 1487-1489 lors des guerres de Bretagne. Lieutenant général en Basse-Bretagne pour le compte du roi de France Charles VIII, le vicomte s’empare de nombreuses places bretonnes en janvier-février 1489 et livre au roi une bonne partie de la Basse-Bretagne. Suite à une mésentente concernant la succession du duché de Bretagne, Jean II de Rohan s’oppose à Charles VIII ce qui provoque la destruction et le démantèlement du château de La Roche-Maurice en 1489.

À partir de 1493, le vicomte procède à une reconstruction intégrale du château, en le modernisant pour l’adapter aux progrès des canons. Une tour d’artillerie, un boulevard d’artillerie et un moinau flanquant les fossés sont des innovations de cette campagne de travaux de la fin du XVe siècle et du début du XVIe siècle. Celle-ci est aussi très dispendieuse, avec un côté ostentatoire très affirmé : c’est la première fois que des ouvrages importants sont entièrement construits ou parementés de pierres de taille. Le château remplit parallèlement une fonction de prison et une activité meunière y a aussi été mise en évidence dans l’enceinte haute.

Carte postale des ruines du château de La Roche-Maurice - Coll. privée.

Quatre siècles de déchéance (XVIIe-XXe siècles)

Après plusieurs siècles d’occupation, les Rohan, fragilisés par des problèmes financiers et successoraux, se préoccupent moins de leurs châteaux bretons qu’ils délaissent pour la cour du roi de France. On entre aussi à une époque où d’une manière générale l’intérêt est beaucoup moins aux fortifications privées.

Pendant la guerre de la Ligue (1588-1598), le château est incendié par les ligueurs léonards. C’est une vengeance à l’encontre des Rohan qui se sont convertis au protestantisme. Cet épisode marque la fin de l’occupation militaire des lieux. Certains ouvrages, comme le boulevard d’artillerie sont donc abandonnés. Leur ruine est attestée dès 1641 par la présence de maisons dans les fossés de la place. Un aveu témoigne de l’état de délabrement du château : « Les chasteaux et forteresses de la Joïeuse Garde et de La Roche Morice […] avecq leurs clostures, estantz a présent comme à demi ruinés ».

On construit cependant encore, plus modestement qu’auparavant, car le château conserve un rôle de prison pour toute la seigneurie de Léon, sans doute jusqu’à la Révolution. 

Les écrits du XIXe siècle témoignent de l’abandon du lieu et de son utilisation comme carrière de pierres par les habitants du bourg pour construire leur maison et peut-être même pour l’église Saint-Yves.

Le château retrouve brièvement sa fonction de forteresse lors de la Seconde Guerre mondiale. Il est investi par l’armée d’occupation allemande avec un poste d’observation et un canon de défense anti-aérienne braqué vers Brest destiné à protéger les convois ferroviaires.

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